mardi 20 novembre 2012

Moody's dégrade la France de AAA à AA1


L'agence de notation financière Moody's dégrade la note de la France à AA1. Le pays perd ainsi son 2ème "triple A" après que Standard & Poor's a dégradé la France en janvier 2012. Il ne reste donc plus que Fitch (parmi les 3 "grandes agences") qui maintienne encore son AAA pour notre pays.

Il vaut mieux en rire...

Je vais peut-être en surprendre quelques uns en pensant qu'il vaut mieux en rire, mais force est de reconnaître que c'est du Grand Guignol, ça n'est pas crédible, ça ne mériterait même pas un article... Sauf qu'il est intéressant d'essayer de décrypter..

Le timing boursier d'abord

Pour ceux qui s'intéressent un peu aux marchés financiers et aux agences de notation (je vous rappelle que ces "agences" ont tellement bien fait leur travail avant la crise qu'elles notaient toutes AAA tous les CDO pourris truffés de subprimes qui se sont effondrés et ont provoqué la crise de 2008), il est effectivement à minima pertinent de s'intéresser au timing.

Après une semaine passée relativement maussade à la bourse de Paris, le CAC 40 ayant terminé vendredi sur un repli de -1.21% en s'effondrant dans la dernière demi heure, tout en laissant les places américaines nettement rebondir juste après la clôture des bourses européennes, cette journée de lundi a pour le moins été étrange, la bourse de Paris ayant terminé ce jour en forte progression de près de 3%, effaçant les pertes des 3 séances précédentes, mais dans des volumes ridicules, et surtout avec une avancée mécaniquement ordonnée, tel un métronome, tout au long de la journée, alors qu'aucune actualité particulière n'a filtré ce week-end sur aucun sujet. De là à s'interroger sur de possibles intervenants "au courant de l'annonce qui allait être faite", et sur une hausse artificiellement entretenue afin de tenter de prendre les "gogos" (les petits porteurs et investisseurs classiques) à contre-pied demain matin, il y a un pas que je ne franchis pas complètement, non pas que je pense que personne n'était au courant (il suffit de s'intéresser aux actionnaires de Moody's), mais plutôt parce que je ne suis pas convaincu que le piège va fonctionner.
Pour l'instant les indices "futures" ne préfigurent pas de chute massive à l'ouverture demain matin du CAC 40...

Le contexte "dette américaine"

Il n'échappe à personne qu'un des sujets majeurs de la planète "finance" depuis des semaines est le fameux "fiscal cliff" aux USA, ou comment le président Obama, le sénat démocrate, et la chambre des représentants républicaine vont ils réussir à s'entendre sur les mesures à prendre pour enrayer la hausse de la dette américaine : sans accord d'ici fin décembre, des mesures automatiques de hausses d'impôts et de coupes budgétaires massives entreront en vigueur en janvier 2013 et feront plonger les USA dans la récession.
Un petit détournement d'attention sur l'Europe est donc tout à fait opportun de la part d'une agence qui a son siège dans le pays le plus endetté du monde, on y est d'autant plus habitué que c'est systématique depuis 2010, dès qu'un problème ressurgit aux USA, paf on remet le focus sur l'Europe, ce qui dédouane les USA d'entreprendre quelque réforme que ce soit

Le timing de Moody's vis à vis de la France

Certes Moody's avait annoncé avoir mis la France sous surveillance depuis plusieurs mois (février 2012), mais on peut éventuellement être surpris de cette annonce qui arrive quelques jours après le virage du gouvernement en faveur d'une politique sociale libérale avec le "pacte de compétitivité". La France a même surpris les économistes en dégageant une croissance de 0.2% au 3ème trimestre (quand beaucoup s'attendaient à 0) et en faisant jeu égal avec l'Allemagne. Bref, si cette dégradation était intervenue courant janvier 2013 une fois connus les chiffres 2012, une fois les perspectives en Europe pour 2013 un peu mieux maîtrisées  why not mais là..

Les impacts d'une telle dégradation ?

Alors qu'elles semblaient avoir le droit de vie et de mort ou presque sur un pays en le dégradant, ce qui mécaniquement faisait augmenter massivement ses taux d'intérêts d'emprunt, il semble que les agences de notation ne soient plus aussi influentes.

Depuis que Standard & Poor's a dégradé la France en janvier 2012, les taux d'intérêts à 10 ans pour la France ont fortement baissé en passant de 3.5% à 2%, soit une baisse de 150 points de base : la France n'a jamais emprunté à des taux aussi bas que maintenant..
Il en fut d'ailleurs de même pour les USA, qui ont vu leurs taux d'emprunts fortement baisser depuis qu'ils ont été eux aussi dégradés par Standard & Poor's..

On peut donc raisonnablement penser que cette nouvelle dégradation par Moody's n'aura pas d'impact négatif pour les emprunts français tout simplement parce que la note française reste parmi les meilleures du monde, et parce qu'il y a tant d'argent en circulation que les investisseurs doivent bien le placer quelque part : il n’apparaît pas aux yeux de ses investisseurs que la France va faire faillite dans 6 mois, n'en déplaise aux crétins qui veulent comparer la France à la Grèce par exemple, pour faire peur..

Enfin, on peut aussi s'interroger sur une possible "compétition" entre les différentes agences, Moody's ayant besoin d'exister face aux 2 autres : Moody's a eu tendance ces derniers temps à dégainer avec 2 trains de retard sur d'autres notes (sur la Grèce ou l'Espagne notamment).

Les agences dans le collimateur 

On peut parler d'une perte d'influence des agences de notation, et après tout on ne peut que s'en réjouir, puisqu'elles ne font qu'exprimer une "opinion" (c'est leur propre ligne de défense quand on leur demande pourquoi elles notaient AAA des produits toxiques en 2007).

Il me semble qu'il faut surtout les remettre à leur place, et c'est exactement ce qui se passe dans plusieurs pays, même si ces informations ne font pas la une des grands médias.

Inquiété par la justice italienne, l'agence Fitch a annoncé le 14 novembre qu'elle suspendait ses activités publiques en Italie : le parquet de Trani a décidé le renvoi de plusieurs des cadres de l'agence devant la justice pour "manipulation de marché, pour avoir dégradé la note de l'Italie à des fins spéculatives"...

Standard & Poor's a été condamnée le 5 novembre 2012 par la justice australienne pour notation trompeuse : l'agence devra dédommager des collectivités qui ont englouti des millions de dollars dans des produits toxiques pourtant notés AAA par l'agence... La banque ABN AMRO a également été condamnée.

La société IMF Australia, qui défend les intérêts des collectivités australiennes a annoncé qu'elle envisageait de saisir la justice pour les mêmes motifs en Nouvelle-Zélande, aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne..

Il se trouve que Moody's suit de près ce dossier, car elle est poursuivie depuis 2010 aux USA conjointement avec Standard & Poor's pour les mêmes tromperies.

Comme dit le proverbe, la meilleure défense, c'est l'attaque, Moody's cherche donc probablement à occuper le terrain médiatique..

Mots clés :

Moody's, dégradation, France, AAA, Agence de notation

3 commentaires:

  1. Si la perte d'influence est à la hauteur de ce que l'on pense tous les deux , çà ne te fait pas penser au grand guignol des élections UMP ?
    Ou comment se décrédibiliser totalement ?

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  2. Et voilà, comme prévu.. ils sont la risée du monde..
    Le CAC 40 est presqu'à l'équilibre avec -0.15% pour l'instant (après une hausse de 2.9% hier), le 10 ans français ne bronche pas (+2 points de base), et l'euro est quasiment au niveau d'hier en ne perdant que 0.0003 centimes à 1.2809 pour 1 dollar.
    Allez, couché Moody's, votre heure de gloire est passée, votre opinion n'intéresse plus personne

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  3. Intéressant pour compléter, le papier de l'IRIS :
    http://www.iris-recherche.qc.ca/publications/agences-de-notation-au-coeur-des-derives-de-la-finance

    On peut notamment y lire :

    "En plus de la notation des obligations émises par des entités publiques et privées, les agences de notation procèdent aussi à l'évaluation de produits appartenant au segment de la finance structurée, tels que les titres et obligations adossés à des actifs, dit papier commercial, en plus de noter des fonds, tels les fonds d'obligations, les fonds du marché monétaire et les fonds spéculatifs, entre autres. Depuis les années 1990, elles participent même au montage des produits structurés, ce qui, comme on le verra plus tard, porte atteinte à leur crédibilité. « Avec la notation des opérations de titrisation, qui a représenté jusqu'à 40 % de leur revenu, les agences ont en effet changé leur mode opératoire. Elles ont été intégrées aux équipes bancaire et juridique, dans le montage même de ces opérations, afin d'ajuster la structure du produit de manière à ce qu'il obtienne la note souhaitée in fine par le cédant et la banque d'affaires. »"

    Tout est dit...

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